Le sais-tu que les dieux de la mort mangent des pommes ? { libre

L'action se déroulait dans un de ces immeubles déserts en plein milieu de l'immense centre-ville de Tokyô. Il était fréquenté depuis peu par plusieurs groupes de lycéens avide de sensations forts et avait été squatté pendant une petite période par des jeunes qui étaient, depuis, partis.

La rumeur amplifiait et disait qu'on avait vu, ici, des objets voler et tout un tas de phénomènes paranormaux. Les plus audacieux avaient tenté d'expliquer ça en recherchant dans l'histoire de l'immeuble la vérité sur ses anciens occupants. La vérité ? Elle était affreuse : un homme s'était suicidé du sixième étage et un des enfants du premier avait disparu pour ne jamais réapparaître. On parlait d'histoires de fantômes, de revenants.

Que ce soit par curiosité ou un peu par hasard – il y a une très bonne wifi dans le secteur – vous vous retrouvez dans ces murs. Vous êtes dans le hall d'entrée : il est vide et la première chose que vous constatez, c'est que le ménage n'a pas été fait depuis des mois. Les toiles d'araignée se font légion, il y a des tags un peu partout sur les murs et vous entendez des bruits suspects dans un étage un peu plus haut.

Mello était resté tard, le soir, devant la télévision de l'appartement. Il y avait un film d'horreur qui passait sur le câble et qu'il était resté hypnotisé devant avec un paquet de chips sur le canapé. Ce n'était pourtant pas l'image qu'il renvoyait avant, lorsqu'il était scolarisé à la Wammy's House, mais il fallait avouer que depuis ce fameux épisode du parc, Mello n'était plus le même. Il avait tué quelqu'un, même si c'était un criminel. Il avait vu la vie s'arrêter et sentit qu'il commettait un acte qui le changerait entièrement.

Il avait changé.

De ce fait, ses colocataires, un agent de L et son frère adoptif, Matt, le traitaient presque avec délicatesse et disaient à peu près oui à toutes les conneries qu'il pouvait bien accomplir. Et Mihael Keehl en faisait, des conneries. Il avait l'impression de traverser un brouillard et de n'avoir qu'un goût amer dans la bouche. Rien qu'hier, il n'avait aucune idée de comment il avait pu s'occuper et il ne comptait plus le nombre de jours depuis lesquels il n'avait pas mis les pieds en classe, ou même suivit Sayu Yagami pour les besoins de l'enquête.

Mihael s'était levé bien après tout le monde et, d'un geste las, avait lu un petit mot manuscrit de Billie Nakamura qui lui ordonnait de sortir et d'aller faire quelques courses. Il se frotta la tête, se rendit dans la salle de bain pour constater de la longueur de ses cernes et prit une douche froide : dans l'état où il était, il aurait été aberrant qu'il sorte à l'extérieur.

Dehors, il faisait assez bond : la capuche de son manteau l'aida à ne pas se prendre ses cheveux dans les yeux à cause du vent, mais il préférait ce climat aux mois de pluie consécutifs de l'Angleterre. Il acheta rapidement les poireaux de Billie avant de se consacrer à la découverte (ou la redécouverte) du quartier. Ses pas le menèrent vers un drôle d'hôtel coloré qu'il n'avait jamais vu ici jusqu'à un jardin aromatique dont les odeurs lui titillait le nez et l'estomac. Il en partit assez vite car une soudaine faim s'était déclenchée chez lui qui n'avait eu aucune envie de manger des choses consistantes depuis des jours. Il s'acheta un quart de pizza et la dévorait à pleine dent lorsqu'il s'arrêta devant un bâtiment un peu isolé et franchement bizarre.

L'impression qui en ressortait était similaire à ces bâtiments de films d'horreur. Tenté, il se dit que ce serait probablement une bonne idée et fit un pas qui le mena à l'intérieur.

Tout était poussiéreux comme si l'entretien avait été abandonné en même temps que l'immeuble. Il y avait des meubles partout et l'atmosphère était si pesante qu'il en ressentit un poids. Devant lui, une jeune fille qui aurait pu être un fantôme...non, sûrement pas, elle semblait parfaitement normale, juste une citoyenne de Tokyô normale qui avait voulu tester ses nerfs. 90%.

« ...Ouais...Putain, c'est sinistre, ici. J'espère que t'as rien oublié dans ta chambre, j'suis pas sûr que ce soit en l'état. »

C'était une petite fleuriste qui ne payait pas de mine. Il lui aurait donné à peu près son âge, mais quelque chose lui disait que si elle était employée par quelqu'un, elle était probablement majeure, à moins de faire un petit boulot pour quelqu'un de sa famille. Indécis sur l'âge de la fille, il décida qu'il devait la tutoyer.

Elle lui demandait si il connaissait le coin pour, visiblement, la guider vers son client, mais Mello l'accueillit d'une grimace bien sentie. Franchement, il n'avait pas la tête d'un guide et même s'il connaissait un peu le quartier, avec tous les sentiments qui lui prenaient la tête en ce moment, il n'avait aucune envie de faire la bonne âme charitable. Et puis le payer en bonbons ou en argent de poche ? Elle se fichait de lui, ou quoi ? Il avait vraiment une tête de gamin à s'empiffrer de bonbons toute la journée ? De chocolat, oui, pourquoi pas, mais de bonbons ? Il avait l'air tendre à ce point ? Bon dieu, il avait tout de même tué un homme il y avait quelques jours !

« Des bonbons ? », fit-il en se désignant du doigt. « J'ai l'air de marchander des bonbons ? Et tu crois que j'habite ce putain d'immeuble ? »

Il marchait comme si de rien n'était en faisant genre d'examiner les noms sur les boîtes aux lettres dans le hall d'entrée. Les noms étaient tous presque effacés par le temps et la poussière, mais quelques uns des bouts de papier avaient survécu, laissant ici le témoignage de la vie d'innocents dont le destin lui était inconnu.

Son attention fut perturbée par un étrange bruit qui venait des étages supérieurs. Comme un cri de terreur,, suivi d'un vacarme qui faisait penser à pleins de meubles qui s'écroulaient, quelque part dans un des appartements. Mello mit la main derrière son dos avant de s'apercevoir qu'il n'y avait plus la présence apaisante du revolver qu'il avait, un jour, volé à Billie Brave, la femme qui les hébergeait, lui et son frère. Résolu à affronter ses peurs, et surtout les cauchemars qu'il faisait toutes les nuits, il prit son courage à son cou et se dirigea en direction des araignées.

« J'sais pas si t'as l'attention de chercher ton client, mais moi, je monte. T'as entendu le bruit ? Y'a ptete un type qui s'est coincé dans un appartement en tentant de jouer les chasseurs de fantômes !? »

...ou un fantôme, un vrai fantôme qu'il pourrait affronter, en face et se prouver sa valeur.

Mello commença son ascension vers l'origine du bruit que tous deux avaient entendu.

Mello souffla, il n'avait en réalité aucune envie de voir qui pouvait bien crier en haut de cet immeuble et il ne le sentait pas du tout, mais il n'avait pas vraiment le choix. C'était une question d'honneur et c'était tout.

Le gamin s'efforçait de ne pas blanchir du tout, il hochait la tête lorsque Yu lui fit signe qu'elle le suivait, mais il n'en menait pas large. Il y avait toujours sa légendaire assurance, bien sûr, mais c'était tout, rien d'autre, pas d'arme, pas d'assurance de s'en servir si jamais ce n'était qu'un traquenard. Mello avait bien un peu peur au fond de lui.

« Mouais. On pourrait se tirer, également. Et faire genre on n'a rien entendu... », dit-il dans un ton plus bas qu'il ne l'aurait pensé.

Yu était assez proche pour l'entendre et lui avait assez les boules car cette fille venait d'entendre qu'il n'avait pas assez de courage pour monter plus haut.

Ces cris étaient tout de même vachement bizarres, ce bâtiment menaçait de leur tomber dessus et il n'avait qu'une seule envie : se tirer. S'il sauvait ce gamin, il n'en tirerait rien du tout, en plus, rien du tout à part risquer sa vie inutilement, alors, ça y était, Mello avait pesé le pour et le contre.

Pour : être un héros...pas très efficace, une grosse bêtise.
Contre : mourir dans d'atroces souffrances et se faire traumatiser éventuellement si ce qu'il se passait en haut était plus chelou que prévu. Il ne pouvait pas se jeter la tête la première là-dedans, pas sans avoir évalué les risques.

« J'y vais pas. »

Les pas décidés du jeune homme se sont transformés en marche incertaine vu le silence pesant qui était de retour. Si bien que, au final, cette décision s'envola. Il ne veut pas y aller, on ne devrait rien avoir entendu, etc.

Quelque peu décevant le petit bonhomme. Mais il n'empêche que, toute rationalité gardée, il ne peut s'agir que de trois choses.

"Soit... c'est un bâtiment qui commence à s'écrouler mais c'est peu probable vu que je suis persuadée d'avoir entendu un cri. Soit, c'est un animal qui se bat ou s'est coincé dans une porte ou que sais-je. Soit, c'est bien une personne qui est bloquée".

Yu ignore si cela va jouer sur l'état d'esprit du garçon, néanmoins ses propres paroles la confortent dans le devoir d'aider n'importe quelle personne en danger si elle en a les moyens.

"J'y vais. De toute façon, j'ai été envoyée dans ce bâtiment pour une raison"

Livrer ce foutu bouquet. Finalement, elle ne décide même pas de laisser ledit produit dans un coin et s'avance vers le couloir dont il était question.

Elle ne voulait pas faire demi-tour. Ça c'était sûr, merde, merde, elle ne voulait pas faire demi-tour, même pas un pas, même pas deux.

Mello était de plus en plus incertain. Il n'arrêtait pas de penser à Matt, à Near, à L, à son passé, à son présent et futur. Qu'auraient-ils fait, eux ? À peu près certain que Matt n'aurait eu aucune raison de se trouver dans ce genre d'endroit tout simplement parce qu'il ne serait jamais sorti de chez eux...pour les deux autres, il ne le savait pas. Malgré son petit côté casanier, Near était du genre imprévisible et il ne connaissait pas assez L pour anticiper ses actions.

« MERDE ! »

Il ne pouvait pas se débiner alors que cette fille y allait. Si elle le revoyait par la suite, si c'était le cas, si elle ne crevait pas après être montée au dernier, elle se foutrait de lui.

Très concrètement, si elle ne faisait pas demi-tour, Mello ne pouvait se permettre de le faire. Grimaçant, il arracha l'extincteur le plus proche de son trépied et le prit à deux mains : il aurait toujours quelque chose pour se défendre, non ?

« Attends-moi ! », lui fit-il avant de la rattraper en courant, un peu ralenti par le poids de l'outil.

« Tu es sûre ? Ça se trouve, il y a un psychopathe ? Ce serait plus prudent d'aller sur l'immeuble d'en face et de voir l'état de la situation avant...on ne sait jamais...t'as envie de crever, toi ? »

"Ce n'est pas comme si je ne savais pas m'en servir. Puis, tu as surement un téléphone pour prendre des photos non? Les informations sont toujours plus puissantes que les armes."

Quoi qu'il en soit, j'ai une prime à toucher à la livraison, même si c'est un canular. Néanmoins, il ne faut pas cacher qu'un certain doute guette dans son esprit. Elle sort du bout des doigts tenant la bombe au poivre une petite carte de visite de sa poche.

"Voilà... Si tu n'es pas plus assuré que ça. Tu peux prendre ma carte de visite et partir. Et si ta conscience se veut tranquille, tu n'as qu'à appeler d'ici... une dizaine de minutes?"

Ainsi toutes les options sont laissées, aucun regret. La carte tendue vers le gamin, lui laissant voir de près une bombe au poivre toute neuve, il y avait un minimum de quoi le laisser partir l'esprit tranquille.

Mello grimaça. S'il avait pu, il lui aurait fait oublié tout ce qu'elle venait d'entendre, ou même de voir. C'était sa raison qui lui donnait envie de faire demi-tour, pour une fois qu'elle s'exprimait. Son sens de l'honneur, lui, il lui criait de montrer à cette fille qui faisait presque la même taille que lui qu'il avait les couilles d'y aller.

Il jeta un coup d'oeil à la petite bombe au poivre qu'elle avait sorti, fit une grimace : c'était déjà ça, même si on ne pouvait pas dire que c'était un objet très contondant.

« Une téléphone ? »

Il sortit son vieux téléphone, un machin à clapet tout juste valable. Nous étions en 2004, les premiers téléphones prenaient des photos, c'était aussi le cas de celui de Mello, mais il ne savait pas si elles seraient trop exploitables. Il se dit que Matt trouverait bien le moyen de les rendre potable et activa l'appareil photo, le tenant entre lui et ses potentiels adversaires. Il ne faudrait pas lui demander de faire autre chose car, très franchement, ses deux mains étaient remplis.

« Ta gueule, on avance. », lui ordonna-t-il, n'attrapant pas sa carte, l'ignorant tout bonnement.

Les mètres semblaient être des kilomètres, les secondes des minutes. Le silence était consternant et il leur semblait que cet immeuble était réellement désert, qu'ils étaient les seules personnes qui foulaient ce sol depuis des années !

Enfin, ils étaient au dernier étage. Il semblait si calme que Mello se demandait s'ils n'avaient pas été victimes d'un canular.

« C'est toi qui entre la première ! »